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Le pouvoir du langage clair : impact, atouts, mise en pratique

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27/03/2024

« Attention, vous pourriez occasionner des dommages corporels à autrui ! » Pourquoi écrire compliqué alors qu’un message plus simple tel que « Vous pourriez blesser quelqu’un » serait mieux compris par tous ? 

C’est la question lambda que devrait se poser chaque communicant avant de s’adresser à ses publics, rappelle avec bon sens Stéphanie Guillaume (Avec des Mots). Une démarche non seulement efficace en termes de communication mais qui se traduit aussi par des bénéfices chiffrables, ajoute Assaël Adary (Occurrence / Groupe IFOP).

« Nous entreposons les vases du lac supérieur le temps qu’elles ressuient. Ces vases seront réutilisées pour amender les sols dans le cadre de projets de végétalisation d’espaces minéralisés du Bois. » Ce panneau d’information, vu au Bois de Boulogne, laisse perplexes les promeneurs du dimanche. 

Magnifique exemple de ce qu’il ne faut pas écrire, car tout le monde préfère lire un texte facile à comprendre dès la première lecture. Telle est la première définition d’un texte rédigé en langage clair. Parce que, quand ne comprend pas, on interprète, on peut se tromper, on s’énerve, on perd du temps, on zappe l’information... et on ne fait plus confiance !

Comment fonctionne notre cerveau de lecteur ?

Que nous lisions un document administratif ou un affichage publicitaire, notre cerveau fonctionne en plusieurs étapes : 

1. Je reçois l’information.
2. Je m’y intéresse ou non.
3. Je décide du moment où je vais m’intéresser à cette information.
4. Je décide du temps et de l’attention que j’y consacre.
5. Je réagis et j’agis.

L’objectif est que notre lecteur agisse ou réagisse à cette information dans le sens que l’on souhaite. Ne l’oublions pas... 

Notre cerveau ayant un temps d’attention limité, tous les messages reçus créent une fatigue cognitive, avec aussi des risques de biais cognitifs entraînant de fausses interprétations. 

« Un exemple : si vous recevez un appel de l’AMF, savez-vous s’il s’agit de l’Association des Maires de France ou de l’Autorité des Marchés Financiers ? Pas sûr ! La méconnaissance de l’acronyme peut créer des quiproquos. Donc, soyons précis quand nous communiquons », insiste Stéphanie Guillaume.


Proscrire le langage abscons 

Tous les secteurs sont concernés par les risques d’incompréhension dus à un langage abscons : la banque-assurance, la santé, le social, les technologies... 

  • Des contrats plus explicites contribueraient à réduire leur temps de lecture, cela diminuerait les mauvaises surprises et les litiges. 
  • Une rédaction plus claire des indications de préparation à un examen médical pourrait éviter jusqu’à 20% d’erreurs d’aiguillage de patients dans un hôpital. 
  • La non information et l’aspect rebutant des formulaires de demandes d’aides sociales (RSA, APL...) se traduisent par 12 milliards d’euros de non-recours par an, selon l’Observatoire des non-recours aux droits et services. 

Et l’on pourrait citer de nombreux autres exemples.

Votre message est-il pertinent pour vos publics cibles ? 

« Prenez du recul en vous mettant à la place de vos lecteurs, conseille Stéphanie Guillaume. Est-ce que votre message est intéressant, utile et pertinent pour vos publics cibles ? Est-il simple, clair, accessible et facilement mémorisable ? Donc lu, compris et utilisé, c’est-à-dire efficace ? »

Une norme pour un langage clair 

Au-delà d’une technique rédactionnelle, la norme ISO 24495-1:2023 éditée en juin 2023 décrit les objectifs d’une démarche de langage clair et simple : 

1. Les lecteurs obtiennent ce dont ils ont besoin.
2. Ils peuvent trouver l’information dont ils ont besoin.

3. Ils peuvent comprendre ce qu’ils trouvent.
4. Ils peuvent utiliser facilement cette information.

« Cette démarche modifie nos habitudes de rédaction prises à l’école et la façon dont nous nous plaçons vis-à-vis du lecteur. » 

L’usage de cette norme ISO le plus répandu « concerne les documents destinés au grand public, mais (elle) s’applique également, par exemple, à la rédaction technique, à la rédaction de textes législatifs ou à l’utilisation de langages contrôlés », peut-on lire en introduction du document. 

Pour illustrer le langage clair et simple, prenons l’exemple de la communication sur l’interdiction aux locataires de sous-louer leur appartement pendant les J.O. de Paris 2024. 

✍ Ce qu’il ne faut pas écrire (ou dire) : 

« Les sous-loyers qui seraient perçus en contravention des dispositions du bail constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire et doivent lui être reversés intégralement. » 

✍ Ce qu’il faudrait écrire (ou dire) : 

« Vous êtes locataire et votre propriétaire ne vous autorise pas à sous-louer votre appartement ?

Sachez que si vous sous-louez quand même votre appartement, vous devrez reverser les loyers perçus à votre propriétaire. » 

C’est plus direct ! 

Voilà pour le texte. Mais il y a aussi la forme qui peut aider à la compréhension du fond. Par exemple, un avocat transformera volontiers la présentation d’un contrat en un schéma. 

« N’hésitez pas à tester la compréhension de certains textes sensibles auprès de vos collègues, recommande Assaël Adary. Cela pourra éviter des impairs, et aussi vous apporter un avantage compétitif. » 

La démarche ISO pour rédiger en clair comporte 5 étapes : 

  1. Préparer les éléments du texte. 

  2. Structurer le message de manière logique pour le lecteur. 

  3. Adopter une syntaxe simple pour les phrases. 

  4. Choisir des mots compris de tous. 

  5. Réaliser une mise en forme qui facilite et guide la lecture. 

Mesurer l’efficacité des messages 

L’utilisation d’un langage clair est l’un des piliers de la communication responsable. « Celle-ci doit désormais s’articuler selon trois axes : non seulement les ressources investies (production et diffusion des messages), mais aussi leur retour sur investissement (ROI), et leurs impacts environnementaux, sociaux et solidaires (IESS). Quand vous maximisez l’efficacité de vos messages, vous maximisez leur ROI et leurs impacts. D’où l’importance de mesurer ce qu’a voulu dire l’émetteur et ce qu’a perçu le récepteur, si vous souhaitez optimiser vos messages », insiste Assaël Adary. 

  • Un institut d’études canadien, par exemple, a mesuré cette efficacité en démontrant le lien entre une information claire et la diminution du nombre d’appels à un call center. 
  • British Télécom a constaté une diminution de 25% des réclamations clients grâce à la réécriture d’un de ses courriers. 
  • Les services fiscaux de Norvège ont enregistré une forte baisse des demandes de renseignements, passant de 300 000 à 180 000 appels annuels en 5 ans... 

Il apparaît donc nettement que la technique du langage clair a des impacts en termes de gains de temps et de coûts. 

Et plus largement encore, la compréhension est le sas d’entrée de la confiance ! 


Stéphanie Guillaume, dirigeante-fondatrice de la bien nommée agence Avec des Mots, qui a lancé l’application LISIBLE, un outil de mesure de lisibilité et de recommandations rédactionnelles : 

www.avecdesmots.com // www.lisible.com

Assaël Adary, dirigeant-fondateur du cabinet d’études et de conseil Occurrence / Groupe IFOP, spécialisé dans l’évaluation et la mesure de la communication. 


Références : 

Quelques textes régissant le langage clair dans le monde : 



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